La gauche, la droite, le PS, le MoDem

On entend beaucoup de choses en ce moment, à l’occasion du très prochain congrès du Parti Socialiste [NB : l’essentiel de cet article a été rédigé avant le congrès, même si la touche finale a été apportée ce dimanche], concernant la stratégie d’alliance (l’alliance avec le MoDem serait portée par la motion de Royal et bannie par les autres).

Discours simplificateur à l’extrême. Discours brouillé par tous, avec des arguments avancés (par exemple, Vincent Peillon, soutien de la motion de Ségolène Royal, indique que l’alliance avec le MoDem n’est pas à l’ordre du jour puisque le MoDem n’a pas encore choisi entre la gauche et la droite – comme s’il allait le faire bientôt !) qui ne correspondent pas toujours à la réalité des positions.

Il y a une vérité, c’est que ce sujet divise profondément les militants et que ce sera (si le PS survit au congrès ;-) l’occasion de nouveaux affrontements internes fratricides comme le débat sur le référendum européen l’avait déjà été. J’ai entendu à Colombes des camarades s’exprimer en se disant plus proches du MoDem que du PC. D’autres prendre le contrepied, voyant dans cette dérive droitière la perte de notre identité socialiste (sous-entendu au profit d’une identité sociale-démocrate). Ceci pour l’échelon local. Mais au niveau national, on a entendu, notamment l’année dernière à l’occasion des Présidentielles, plusieurs ténors (Royal, Cohn-Bendit, Rocard et j’en passe…) envisageant, voire appelant de leur vœu, une alliance PS-MoDem.

Ce sujet de division, comme les autres, ne doit pas être tabou. Il provoquera sans doute des départs du PS, pour ceux qui estiment que le parti ne va pas dans le bon sens (le PS colombien a d’ailleurs vécu le départ de certains vers une gauche plus radicale et d’autres vers le MoDem, comme quoi il est difficile de contenter tout le monde !!!), au fur et à mesure de l’évolution de la « ligne du parti » sur ce point.

Et puis il y a les pratiques, empreintes de pragmatisme ! À Colombes, une « union de la gauche » façon « majorité plurielle » (PS + Verts + PC) a été la stratégie assumée dès le premier tour et s’est avérée gagnante. À Asnières, une union PS + MoDem au deuxième tour a permis un rassemblement démocrate pour barrer la route à une droite indigne. La motion D portée par Martine Aubry clame haut et fort « À gauche ! », mais à Lille, la même Martine Aubry travaille en bonne intelligence avec le MoDem.
Je pourrais multiplier les exemples mais le constat est là : pour des raisons de stratégie, peu chahutées par les médias avides de simplification, le sujet paraît central dans les tractations actuelles en vue du congrès alors qu’il ne l’est pas. Parce que s’il l’était, on aurait depuis longtemps une alliance Delanoë-Aubry-Royal (qui ne considèrent pas le MoDem comme un ennemi définitif) contre Hamon (MoDemKraft, Nein Danke !).

[Suite au congrès…]

La synthèse n’a pas eu lieu à Reims, car s’il y avait, je pense, matière à réunir une majorité sur l’orientation politique du PS, avec les 80 % des motions A, D et E, il n’y a pas eu de facto possibilité de constituer une autre majorité. La motion Royal a été incapable de réunir le moindre consensus autour d’elle (hormis les 1,5 % anecdotique de la motion B), et le « front anti-Ségolène » n’a pas su se constituer, probablement (mais je n’observais ça que d’un œil lointain) à cause d’egos trop gonflés incapables de s’effacer devant l’intérêt (supposé) collectif. D’après moi, Delanoë porte, à cet égard, une lourde responsabilité dans la stérilité de ce congrès. Aubry, quant à elle, peut assez dignement poursuivre sa campagne en continuant de relayer le point central de sa motion : le rassemblement. Et quel que soit le résultat à l’issue des scrutins des 20 et 21 novembre (car je doute qu’une majorité absolue surgisse dès le premier tour), le PS aura du boulot pour retrouver sa cohésion, et, plus important encore, sa crédibilité et son audibilité auprès des Français, car le fonctionnement interne du parti, c’est peut-être passionnant, ou affligeant, selon le point de vue, mais ça ne concerne que le petit cercle des militants.

Parlons encore un peu du MoDem. Je ne sais pas trop sur quoi table François Bayrou. Est-il tellement optimiste qu’il parie sur un effondrement du PS dont tous les déçus qui ne se sentent pas tentés par l’ultragauche (pour reprendre l’expression à la mode du moment !) le rejoindrait ??? En tout cas, comme ceux de l’UMP (c’est de bonne guerre), il moque la stérilité actuelle du PS qui n’aura donc toujours pas tranché la question de l’alliance avec le MoDem, mais lui, de son côté, s’est-il prononcé sur ce qu’il souhaiterait ? Pense-t-il obtenir des majorités sans alliance ?!

12 réflexions sur « La gauche, la droite, le PS, le MoDem »

  1. Au premier tour d’une présidentielle, on choisit son candidat ; au deuxième, on élimine.  S’il s’agit d’éliminer Sarkozy, il faudra bien que le candidat le mieux placé contre lui se rapproche d’un ou de partenaires qui acceptent de gouverner ensemble.
    J’espère ne jamais avoir à vivre un tel congrès (le nôtre est en 2011 !) où l’on passe son temps à constater qu’il faut proposer aux français un projet face à la crise sociale tout en masquant son incapacité à travailler ensemble sur ce projet en prétextant un problème de stratégie d’alliance.
    Le MoDem – à peine un an – termine ce mois-ci la mise en place de ses structures et prépare son projet européen. 
    Notre modèle de société n’est ni le capitalisme, ni le socialisme, mais l’humanisme.

  2. Je trouve votre analyse pertinente et je vois que vous placez aussi le MoDem au « centre » des préoccupations du PS… Il me semble que les 4 motions socialistes sont idéologiquement différentes et qu’il ne s’agit pas simplement d’une quête de pouvoir…entre Hamon et Royal, les socialistes devront se prononcer…entre un socialisme « ultra gauche » et un socialisme de « centre-gauche »? Aubry-Delanoé  seraient-ils le centre du PS? Le MoDem ne se raillera pas de ses prises de positions à géométrie variable car il en a fait sa figue de proue…oui, ni à gauche ni à droite…au centre pourvu qu’il y ait un équilibre…celui d’une sociale-démocratie moderne…que peut rêver de plus un socialiste convaincu.
    Oui, nombre des élus du PS sont plus proche du MoDem que du PC…et Colombes n’échappe pas à cette évidence.Non, la majorité des élus du MoDem ne sont pas plus proches de l’UMP que de bien des socialistes…Nous n’avons pas fini de vivre nos contradictions et je l’ai prouvé aux dernières municipales en refusant de voter l’union MoDem-UMP à Colombes…en votant pour Philippe Sarre dont j’apprécie les qualités et l’honneur d’avoir respecté ses engagements avec sa liste d’union…
    Mon vote au 1er tour était tout autant le choix d’un candidat que le rejet d’une union PS/PC dont les idéologies n’ont plus rien a voir…qu’est-ce-que le PC en 2008? il faut savoir un jour entrer dans l’Histoire…Le PS peut encore se rénover …on peut encore le croire après le Congrès de Reims…et le MoDem, l’avenir est devant lui…
    Je ne suis pas d’accord avec Permalien ci-dessus, le modèle du MoDem est aussi le socialisme mais un socialisme modernisé qui ne rejette pas l’économie de marché et surtout pas l’individu dans sa dimension sociale et humaine…un socialisme-bourgeois diront certains…une sociale-démocratie moderne tout simplement.

  3. Je trouve votre analyse pertinente et je vois que vous placez aussi le MoDem au « centre » des préoccupations du PS… Il me semble que les 4 motions socialistes sont idéologiquement différentes et qu’il ne s’agit pas simplement d’une quête de pouvoir…entre Hamon et Royal, les socialistes devront se prononcer…entre un socialisme « ultra gauche » et un socialisme de « centre-gauche »? Aubry-Delanoé  seraient-ils le centre du PS? 
    Le MoDem ne se raillera pas de ses prises de positions à géométrie variable car il en a fait sa figue de proue…oui, ni à gauche ni à droite…au centre pourvu qu’il y ait un équilibre…celui d’une sociale-démocratie moderne…que peut rêver de plus un socialiste convaincu. Oui, nombre des élus du PS sont plus proche du MoDem que du PC…et Colombes n’échappe pas à cette évidence.
    Non, la majorité des élus du MoDem ne sont pas plus proches de l’UMP que de bien des socialistes…
    Nous n’avons pas fini de vivre nos contradictions et je l’ai prouvé aux dernières municipales en refusant de voter l’union MoDem-UMP à Colombes…en votant pour Philippe Sarre dont j’apprécie les qualités et l’honneur d’avoir respecté ses engagements avec sa liste d’union… Mon vote au 1er tour était tout autant le choix d’un candidat que le rejet d’une union PS/PC dont les idéologies n’ont plus rien a voir…qu’est-ce-que le PC en 2008? il faut savoir un jour entrer dans l’Histoire…Le PS peut encore se rénover …on peut encore le croire après le Congrès de Reims…et le MoDem, l’avenir est devant lui… Je ne suis pas d’accord avec Christian ci-dessus, le modèle du MoDem est aussi le socialisme mais un socialisme modernisé qui ne rejette pas l’économie de marché et surtout pas l’individu dans sa dimension sociale et humaine…un socialisme-bourgeois diront certains…une sociale-démocratie moderne tout simplement.

  4. « je ne suis pas d’accord avec Permalien… » désolé Christian de vous avoir attribué un surnom…c’est l’emphase de l’écriture!

  5. @ Christian » Bienvenu ici ! Bon, nous pouvons d’ores et déjà prendre rendez-vous pour 2012. On verra bien qui arrivera au 2e tour, et quelles consignes de vote en sortiront. Je ne me souviens pas avoir entendu Bayrou, au moment où il fallait voter (c’est bien joli de prendre position maintenant !), appeler à faire barrage à Sarkozy !!!
    En revanche, je me souviens fortement – hélas – du PS appelant à voter Chirac en 2002. Et j’ai même voté deux fois pour lui (sur l’air de si on m’avait dit…) (j’avais une procuration !).
    Mon interprétation, c’est que Bayrou avait peur de braquer une partie de son électorat … de droite !
    Pas facile de se revendiquer « centriste » quand le centre est, depuis longtemps en France, étiqueté à droite (triste exemple du « Nouveau Centre »).

    Bref ! Pour vous, pas de congrès à vous déchirer, je vous le souhaite, vous êtes encore un peu petits pour ça (NB : les Verts, malgré leur taille, y arrivent très bien quand même).

  6. @ Christophe Philippe » Bienvenu ici aussi (mais je ne vous le souhaite qu’une fois malgré le commentaire en doublon – comme il y a de légères variantes, je ne sais pas lequel sucrer – et puis je n’ai pas tant de commentaires que ça ici alors je les conserve précieusement).

    Je place le MoDem au centre … de cette note ! pas des préoccupations du PS. L’objet de ma note est simplement de dire que la question de l’alliance avec le MoDem semble être au cœur des divergences entre les motions, mais je ne crois pas que ça soit vraiment le cas. Je constate que la synthèse des motions se fera sur une ligne prétendument anti-alliance-modem, mais réellement anti-royal parce que beaucoup de socialistes ne se reconnaissent pas dans le projet de Ségolène Royal, et que cette divergence de conception du parti est bien plus forte que tout le reste, finalement.
    Le problème du leadership est crucial. Une partie des militants est convaincue qu’avec Royal à la tête du PS, c’est la défaite assurée en 2012. Une autre partie est convaincue … exactement du contraire !
    Les médias se moquent, les Français n’y comprennent rien (veut-on nous dire) mais le sujet est tout de même grave !

    (Christian tient beaucoup à son humanisme mais c’est son gadget marketing, je ne vais pas le lui retirer ! Z’imaginez Bayrou lancer un jour : « Mon programme n’est pas humaniste » ? Quelle horreur !!! ;-)

  7. Bien sûr, j’adhère à la recherche de la justice sociale et au combat contre les inégalités sociales du socialisme, mais je rejette l’idée que cela doit passer systématiquement par une intervention de l’État.

  8. Bonjour Jérôme,

    Pour revenir à la présidentielle, c’est que François Bayrou avait employé une formule de Sphynx en disant mot pour mot : « Je ne voterai pas pour Nicolas Sarkozy ». C’est suffisamment clair et lourd de sens, tout en étant respectueux du libre-arbitre de chaque électeur qui lui avait fait confiance au premier tour…

    Implicitement, c’était un appel à :

    voter pour Ségolène Royal,
    voter blanc/nul.
    Il faut comprendre que pour le MoDem, qui n’est pas pour l’instant un parti « de masse », il nous importe que les électeurs et la démocratie soient respectés avant toute considération personnelle (la fameuse « lutte de places » tant en vogue du côté de Reims…). il y a aussi la question de la diversité des sensibilités personnelles (pas de courants chez nous : pas envie de finir comme le PS avec sa vingtaine de courants ou comme les trotskystes : 3 courants à 3 gugusses dans une seule cabine téléphonique !). Et puis quoi ? Puisqu’on parle de destin personnel, que ce serait-il passé si Bayrou avait clairement appellé à voter Royal ? Il serait devenu Premier ministre de celle qu’il aurait contribué à faire élire avec le risque de finir comme Rocard « tué » politiquement par Mitterrand…

  9. @ Christian Don » Je ne crois pas que le programme socialiste place l’État au centre de tout. On parle notamment de développement du syndicalisme qui est aussi une méthode pour rééquilibrer les pouvoirs (par ce que le problème fondamental est là : le capitalisme non régulé, c’est l’aggravation des écarts entre ceux qui ont le pouvoir et l’argent et les « masses laborieuses »). L’état est, certes, un puissant levier pour cette régulation, mais il y en a d’autres.

    @ Charles Ham » Bonjour Charles !
    Personnellement, je ne vois pas en quoi il est irrespectueux de donner une consigne de vote, sauf à donner à consigne un sens trop autoritaire. On sait bien, de toute façon, que l’électeur reste libre de son vote, mais une prise de position claire permet de passer de l’implicite à l’explicite et c’est parfois nécessaire.
    Reste que si Bayrou avait soutenu plus clairement Royal
    1/ il n’est pas dit que Royal aurait malgré tout été élue
    2/ il est encore moins dit que Royal l’aurait « tué » politiquement (je la crois à ce jeu moins habile que ne l’était François Mitterrand, qui n’avait pas affaire non plus à un sot).
    3/ il est possible en revanche que le MoDem aurait souffert du rôle « d’arbitre » un peu neutre et détenteur de la vérité dans lequel il se drape.
    Par ailleurs, concernant les ego au MoDem, laisse moi rigoler, mais François Bayrou ne manque pas d’ambition. Je ne dis pas que ça n’est pas légitime, au contraire, heureusement qu’il y a des gens qui se sentent investis d’une mission parce que, moi, je ne me sens pas du tout compétent pour agir politiquement. Concernant les courants chez vous, je ne sais pas. Moi, ça ne me dérange pas qu’il y ait des courants au PS, franchement pas. Ce qui importe, c’est que le socle commun soit le plus large possible (ce qui est le cas au PS, contrairement à ce qu’on entend) et qu’on soit grosso modo d’accord sur les personnes les mieux à même de les porter au plus haut niveau (et sur ce point, en ce moment, ça coince, mais ça n’a pas toujours été le cas).
    Il me semble aussi qu’au MoDem il y a eu de sérieuses dissensions, notamment entre François Bayrou et Gilles de Robien. So what ?

  10. Une précision. Il y a effectivement eu des dissensions entre Bayrou et de Robien mais pas au MoDem, à l’UDF. Rappellons que le MoDem n’est plus l’UDF, pas plus que le PS est la SFIO dont d’ailleurs le principal allié dans les années cinquante était le… MRP, ancêtre démocrate-chrétien selon la grille de lecture politique de l’époque de… l’UDF, lui-même principal (mais pas le seul) géniteur du… MoDem. Ce dernier ayant élargi sa base de travail à l’ensemble de la famille démocrate ou centriste, pour faire « old school » ! ;-)

  11. Le P.S risque de devenir un parti à vocation local s’il ne s’affranchit pas d’une partie des thèmes empruntés à la gauche de sa gauche. Car gouverner au niveau local n’a rien avoir avec les décisions à prendre au niveau national et international. Le hic au PS, c’est la place qu’il accorde à l’europe sachant que celle-ci prône le contraire de ce que les militants de la gauche du P.S ( Hamon, Melanchon ou Emanueli) défendent: une Europe protectionniste contre une Europe participant à l’OMC.
    Le Modem n’est pas encore entré dans ces contradictions car il existe au niveau local au gré des alliances passées avec la droite ou la gauche en mars 2008.
    Mais qu’en est-il de ces questions qui divisent tant le P.S depuis le NON au traité de 2005?
    L’espoire est encore dans les coeurs de nos chers militants modem. L’avantage de Mme Royal est la présence idéologique de Chevènement, il lui a soufflé pendant la campagne de 2007 des idées réalistes queles français de gauche veulent entendre: Remise en question de l’indépendance de la Banque Européenne, plus de sévèrité à l’égard des voyous( les fameux camps de redressement pour les jeunes à la dérive), le SMIC à 1500€,……
    L’alliance Modem PS façon Royal est possible et souhaitable . Mais cette union ne sera éfficace qu’au niveau local car concernant les questions nationales ou internationales Bayrou est assez vague. Plus de clareté permettrait aux sympathisants PS de savoir où ils mettent les pieds. J’avoue ne pas savoir plus sur les positions du MOdem. Mais il ne tient qu’à moi de m’informer. J’y vais de ce pas.

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