Je suis … abattu

Depuis mercredi, je pleure l’assassinat de quelques uns des esprits les plus libres de ce pays. Ils avaient un courage que je n’ai pas et ils sont « morts pour des idées », hélas, pas de mort lente.

L'hommage de Robert Crumb

Comme Jeannette Bougrab, la compagne de Charb, entendue dans un poignant témoignage, je ne me réjouis pas de voir la France debout et mobilisée. Oui, nous vivons un — malgré tout – beau moment de catharsis, mais qu’en restera-t-il, passée l’émotion ?

Qu’arrivera-t-il si nous ne nous interrogeons pas tous sur notre part de responsabilité dans la folie de ce monde ? Sur les valeurs que nous transmettons à nos enfants ? (Une anecdote… si significative : ma fille de 12 ans, échangeant sur les réseaux sociaux sur la théorie de l’évolution, se fait insulter « tu es trop con de ne pas croire en dieu » (sic))  Sur la répartition des richesses ? Sur la détresse qui fait le terreau des extrémismes ? Sur la gestion des relations géopolitiques ? etc.

Le problème est d’une effrayante complexité et aucun slogan simpliste n’en aura la peau.

Je vous invite à découvrir, si vous ne l’avez pas lu, cette formidable « Lettre ouverte au monde musulman » d’Abdennour Bidar, un philosophe spécialiste des évolutions contemporaines de l’islam et des théories de la sécularisation et post-sécularisation, paru sur l’édition québécoise du Huffingtonpost.

Mal au nombril

Quand j’ai ouvert il y a plus de deux ans ce blog, j’avais annoncé qu’il serait fait de bric et de broc, à l’instar du site « racine » né dix ans plus tôt et lui-même joyeusement bordélique. Je n’avais pas menti. J’ignorais qu’il serait autant délaissé mais on ne maîtrise pas toujours le temps dont on dispose et entre ma vie professionnelle, ma vie familiale, ma vie militante, etc., je suis appelé à effectuer des choix cruels.

C’est pourquoi j’ai toujours trouvé amusant de me voir catégorisé dans les « blogs politiques colombiens » même s’il est effectivement souvent (enfin, proportionnellement, plutôt) question de politique ici. La plupart du temps, quand j’interviens ici pour commenter la vie politique, nationale ou municipale, c’est pour exprimer un sentiment individuel qui me tient à cœur. Et puis je m’amuse ensuite à publier une photo de ma fille ou une terrrrrrible vidéo réalisée par mes enfants et leurs amis. (Réjouissez-vous, le cru 2010, c’est pour bientôt.)

Je voulais faire un billet ici, juste après les festivités du 14 juillet à Colombes, pour dire ce que j’en avais pensé : la formule, copiée quasi à l’identique sur celle de l’année précédente, mais, ma foi, plutôt convaincante (ne pas céder à la facilité, toutefois), le feu d’artifice, très réussi, et puis aussi la simplicité avec laquelle les élus s’étaient mêlés à la population, avec ce qui m’a semblé une évidente proximité. Le maire et son équipe était à table comme d’autres citoyens, accessibles, simplement là et faisant la fête avec les autres. J’ai vu ensuite Philippe Sarre danser le rock’n roll avec Élisabeth Choquet (de mémoire : j’avais pris quelques clichés de paparazzi improvisé, mais impossible de remettre la main dessus). Oh ! Il n’est pas impossible qu’il y ait dans cette prestation un zeste de « com’ », mais bien malin qui peut faire la part des choses entre l’élu en représentation et l’homme se trémoussant aux rythmes irrésistibles de l’orchestre ! Côté communication ou communion, à droite en revanche, je n’ai aperçu qu’Olivier Camp-Vaquer sur place. Les autres ne devaient pas ce sentir concernés par cette célébration nationale et locale à la fois (je suis près à faire amende honorable et ajouter les erratums qui vont bien si j’ai – sans malice aucune – passé sous silence la présence d’autres élus ou « notables » de l’opposition).

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Depuis samedi, Philippe et moi avons un nouveau point commun. Lui et moi avons donc (et sans doute avec nous quelques dizaines ou centaines de Colombiens, certainement) perdu notre père cette année.

Dans des circonstances assez extraordinaires (au sens littéral, ce qui les rend d’autant plus tragiques), mon père Yves a en effet été victime d’un accident sur la voie publique en Corse où il entamait avec ma mère ses vacances. Un fait divers dans la PQR. Un fait nettement moins divers dans la vie d’une famille (et même, par extension, pour quelques autres impliquées de près ou de loin dans l’accident).

Je trouve assez singulier le fait qu’il soit question dans le tout premier article de ce blog de l’héritage paternel ! N’en déduisons pas hâtivement que la boucle est bouclée et que mon blog s’achèvera sur ce message…

J’étais ce dimanche sur les lieux du drame (oui, cette phrase fait un peu cliché je vous le concède) et je me suis un instant recueilli sur place. Les voitures étaient rares, le village éloigné de quelques centaines de mètres, le soleil corse cognait dru, les cigales s’en donnaient à cœur joie pour constituer la seule bande son de cet environnement paisible, l’air était chargé de toutes les odeurs de la Méditerranée.
Je veux croire qu’hormis la seconde (deux tout au plus) de frayeur durant laquelle tout s’est joué, c’est de ce splendide panorama qu’aura joui mon père aux dernières heures de sa vie, et je me suis dit que, oui, c’était tout de même un bel endroit pour mourir.

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Illustration : Callevale, 1er août 2010, 16h41